Répit au tribunal pour les mutins de Clairvaux
Le procès des douze hommes accusés d'avoir saccagé un atelier de la prison reporté à la demande générale.

Par Dominique SIMONNOT
mercredi 17 décembre 2003
«J'ai rencontré mon client 15 secondes, entravé, entre des policiers et des cars de gendarmes au sous-sol du palais.» Un avocat

utour du tribunal, les rues sont quadrillées, les portes en sont gardées par des policiers, armes au poing, et la salle d'audience rassemble autant de gendarmes que de spectateurs. C'était lundi au tribunal correctionnel de Troyes où devait se tenir le procès de douze mutins de la prison de Clairvaux. Le box ­ plein d'hommes menottés, tenus en laisse et encadrés, chacun par deux gendarmes ­ déborde sur les deux premiers rangs de la salle normalement réservés aux avocats. Certains sont entravés par des chaînes aux pieds. Ils sont prévenus de violences sur des surveillants, de saccage et tentative d'incendie d'un atelier. C'était le 16 avril dernier. A Clairvaux, depuis quelques jours, les prisonniers sont alors en colère. Le garde des Sceaux a en effet ordonné la fermeture permanente des portes des cellules. Jusque-là, pour rendre la vie supportable dans les centres pour longues peines, l'administration pénitentiaire tolérait que les détenus puissent aller et venir à leur étage, pour se rencontrer. La fin de ce petit espace de liberté a déclenché la mutinerie.

Le procès devait avoir lieu fin janvier, mais pour «parer à de possibles tentatives d'évasion», le procureur Christophe Kapella l'a brusquement avancé. Résultat: les prévenus n'ont pas pu consulter le dossier et la moitié n'a pas d'avocat. Le premier se lève : «Je demande le renvoi, je n'ai pas pu prendre un avocat. J'ai reçu ma convocation le 2 décembre.» Douze fois, la même scène se répète. C'est déjà un gros charivari. Les avocats s'y mettent. Ceux de Troyes annoncent : «J'ai été commis d'office vendredi soir, je ne connais ni le dossier, ni mon client.» Un autre : «J'ai rencontré mon client 15 secondes, entravé, entre des policiers et des cars de gendarmes au sous-sol du palais.» Ceux de Paris s'avancent : «Des peines très sévères risquent d'être requises, ce qui rendait nécessaire une enquête approfondie. Or les faits ont eu lieu dans la centrale en présence de multiples personnes dont la plupart n'ont pas été interrogées.» Et aucun témoin n'est prévu pour l'audience. «Comment pourriez-vous juger dans ces conditions ?», s'indignent les avocats. Ils invoquent les principes du droit européen sur le procès équitable. Et demandent, tous, le renvoi de l'affaire. Jusqu'à l'avocat des surveillants et de l'administration pénitentiaire qui se joint à eux : «Je n'ai jamais vu cela en 25 ans de carrière.»

Une heure de délibéré et le président Hubert Chopin, l'air effondré, renvoie le procès au 9 mars, et commet d'office des avocats pour ceux qui n'en ont pas. Dans le bruit des sirènes, les prévenus sont repartis dans leurs prisons aux quatre coins de la France. D'Auxerre à Salon-de-Provence.