Le régime carcéral des maisons centrales sera durci

LE MONDE

Après la mutinerie de Moulins-Yzeure, l'administration veut réduire la circulation des détenus

Moulins (allier) de notre correspondant

Les portes des cellules des maisons centrales resteront désormais fermées toute la journée. Au lendemain de la prise d'otages qui a eu lieu lundi 24 novembre à la prison de Moulins-Yzeure (Allier), le directeur de l'administration pénitentiaire, Didier Lallement, a annoncé, mardi 25 novembre, qu'il entendait mettre définitivement fin à une tolérance qui permettait aux longues peines de circuler librement entre les cellules, à l'intérieur de leur unité.

Venu rencontrer sur place les personnels, M. Lallement a salué la première intervention importante d'une Equipe régionale d'intervention et de sécurité (ERIS), ce groupe spécialisé de l'administration pénitentiaire. C'est elle qui avait, en effet, engagé le dialogue, lundi, avec les mutins avant l'arrivée du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

Mais c'est autour des motivations des mutins que se focalise aujourd'hui le débat. "Nous sommes en présence d'une démarche floue de la part de détenus qui n'ont pas avancé de revendications particulières, a assuré le directeur de l'administration pénitentiaire. A aucun moment, dans leurs propos, les meneurs n'ont évoqué un aspect du règlement intérieur." Une façon d'écarter toute responsabilité du dispositif dit des "portes fermées".

MISE EN PLACE "INTÉGRALE"

Ce nouveau cadre a été mis en place au printemps, à Moulins, quelques semaines après la tentative d'évasion de trois détenus, le 12 février, parmi lesquels l'ancien membre du groupe terroriste Action directe, Régis Schleicher. Un événement qui intervenait dans une maison centrale épargnée par la surpopulation qui sévit actuellement dans les prisons françaises mais qui a connu épisodiquement des incidents sérieux : une mutinerie avec prise d'otages et incendie en 1992, six ans après l'ouverture de l'établissement, qui avait imposé deux ans de travaux ; une triple évasion en hélicoptère en 2000.

Depuis la "fermeture" des portes, la tension n'a fait qu'augmenter. Entre détenus, entre prisonniers et surveillants, mais aussi entre gardiens : le 18 juin, un d'eux, posté sur un mirador, a tué, dans une crise de jalousie, une de ses collègues de cinq balles. Le climat s'est encore dégradé en septembre avec la mise en place "intégrale" du nouveau règlement. De nombreux détenus ont alors protesté, refusant de voir leur régime aligné sur celui des maisons d'arrêt, où sont enfermées les personnes placées en détention provisoire. Ils dénoncent "la perte des relations humaines", au cours des différents moments de la vie quotidienne. Le docteur Bernard Lissonde, psychologue expert qui intervient dans l'établissement, explique : "Quelles que soient les conditions de détention, la capacité d'adaptation humaine fait qu'il se crée une nouvelle forme de vie sociale. Les portes ouvertes c'était pour les détenus une part de liberté dont on leur laissait la jouissance, en la supprimant on blesse forcément leur narcissisme."

Soutenu par la plupart des organisations syndicales de surveillants, M. Lallement a non seulement annoncé le maintien du règlement mais son application prochaine dans les quatre autres maisons centrales française : Lannemazan (Hautes-Pyrénées), Clairvaux (Aube), Arles (Bouches-du-Rhône) et Saint-Maur (Indre). "Il s'agit d'une mesure de sécurité destinée à protéger la majorité des détenus en évitant de multiplier les contacts avec d'autres détenus particulièrement dangereux." L'établissement accueille, il est vrai, un grand nombre de détenus à risques. "Plutôt que de les placer dans plusieurs sites en multipliant les dangers, a expliqué M. Lallementn, il est préférable d'en réunir un maximum au sein d'un même établissement équipé et organisé et d'exercer un contrôle."

Jean-Yves Vif

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 27.11.03