Evasion aux somnifères
LEMONDE.FR | 30.09.04 | 14h09 • MIS A JOUR LE 30.09.04 | 14h16

L'évasion n'est pas un exercice aisé. A ce jour, diverses méthodes ont été utilisées par ceux qui désirent se soustraire à l'exécution de leur peine. Il y a le sempiternel tunnel, un grand classique. Mais, en cas d'échec, la déception est à la hauteur de la tâche fastidieuse accomplie, qui peut se terminer en Grande Illusion.

Il y a ceux qui optent pour la solution à grand renfort d'explosifs et d'hélicoptère, plus expéditive mais beaucoup plus périlleuse. Il y a aussi la méthode minimale qui consiste, après un long suspense et plusieurs ébauches de plans, à sauter simplement le mur de la Fortress, tel Christophe Lambert. Et puis il y a ceux qui tentent de trancher entre le moins dangereux et le plus rapide.

Ainsi au Cameroun, 18 prisonniers se sont évadés de la prison de Dschang dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 septembre. Et personne n'a rien entendu. Pourtant, un pan de mur entier a été démonté au nez et à la barbe des gardes, qui dormaient profondément…. Et pour cause : le quotidien camerounais Mutations nous révèle que le chef de file de cette évasion massive, dénommé Henri Bertin Ntang, avait organisé la veille auprès des détenus et des gardiens, dans un geste de convivialité carcérale, une petite distribution de beignets frits… bourrés de somnifères.

Ce qui explique que les gardes n'aient entendu aucun bruit alors que l'intéressé besognait un des murs de la cellule à coups de burin. Il faut dire que la proximité d'une chute d'eau a partiellement couvert le bruit. Quelques prisonniers ont tout de même fini par se réveiller. C'est alors que notre homme les a menacés d'une arme envoyée de l'extérieur par un complice, afin qu'ils évitent de donner l'alerte. Puis il a réveillé les autres détenus et leur a demandé de sortir pour couvrir sa fuite. Nombre ont refusé et certains ont été contraints de se faire la belle sous la menace.

D'après le directeur de la prison, c'est grâce aux cris des détenus qui résistaient aux injonctions d'Henri Bertin Ntang que les gardiens ont fini par être alertés. Il s'en est suivi une chasse à l'homme qui a duré toute la nuit et la journée suivante, au terme de laquelle quatre des évadés ont pu être rattrapés. Et, malgré l'appui de la police et de la gendarmerie, les quatorze autres fuyards sont toujours dans la nature, mêlés à la population, ce qui fait régner un climat de peur dans la ville de Dschang. Sur la cinquantaine de prisonniers que comptait la cellule, la majorité ont préféré ne pas tenter la grande évasion. Quand les gardes dorment, les détenus veillent.